Maintenant à la retraite, Betty Anne Aucoin a travaillé en tant qu’infirmière pendant 50 ans. Installée dans la région acadienne de Chéticamp, elle a occupé des postes de direction au Foyer Père Fiset et au Centre de santé communautaire Sacré-Cœur. Elle a été beaucoup influencée par ses grands-parents et garde de beaux souvenirs du temps passé avec eux pendant son enfance. Elle dit que cette tendresse pour ses grands-parents a motivé en partie son choix de poursuivre une carrière en soins gériatriques. Elle demeure très impliquée dans sa communauté, siégeant sur les conseils d’administration pour plusieurs organismes.
Dans quelle région de la Nouvelle-Écosse habitez-vous et où est-ce que vous avez grandi?
J’habite à Saint-Joseph-du-Moine. J’ai grandi à Chéticamp, tout près de l’entrée du Parc national des Hautes-Terre-du-Cap-Breton. C’est une très belle région, avec beaucoup d’arbres, et, en automne, les couleurs sont magnifiques. Je visitais souvent l’endroit où habitaient mes grands-parents, avant que leurs terres soient expropriées pour créer le parc national. Pour eux, il s’agissait d’une seconde déportation!
Dans quel domaine de soins de santé travaillez-vous?
Ça fait 50 ans que je suis infirmière! Durant ma carrière, j’ai œuvré dans plusieurs spécialités, mais c’est en administration que j’ai travaillé pendant les derniers 29 ans. J’étais la directrice du Foyer Père Fiset, une institution de soins de 70 lits pour personnes âgées, et pendant 14 années, j’étais aussi la directrice du Centre de santé communautaire Sacré-Cœur, qui est attaché au Foyer.
Décrivez-nous une journée de travail typique.
Pendant une journée de travail, mes tâches pouvaient être très variées. Je voyais à l’opération des deux institutions, je communiquais avec les directeurs des différents départements, je travaillais de près avec les comptables pour gérer les budgets, je faisais des achats d’équipement, et je m’assurais que les deux bâtiments soient gardés en bon état. De plus, je m’informais sur l’état de santé de certains résidents ou patients, j’assurais un personnel adéquat pour chaque période de travail, je menais des entrevues et j’embauchais du personnel, j’assistais à des réunions sur place, parfois ailleurs, et je communiquais avec le ministère de la santé provincial ou la régie de santé. Je rencontrais souvent des personnes âgées ou un membre de leur famille qui cherchaient des renseignements sur le processus d’admission. Je travaillais de près avec le directeur de l’Université Sainte-Anne, afin de recruter des candidats et candidates au programme d’auxiliaires en soins continus, de trouver du financement pour les aider et d’organiser les stages des étudiants.
Au cours de ces années, j’ai aussi siégé au bureau de direction de plusieurs organismes, dont notamment le Collège de l’Acadie, le Réseau Santé – Nouvelle Écosse, le Conseil de développement économique de la Nouvelle Écosse et la Société d’expansion du Cap-Breton.
Pourquoi avez-vous choisi une carrière en soins de santé?
À l’époque, il y a 50 ans, il y avait peu de choix pour une jeune fille qui vivait dans une région rurale. On pouvait devenir infirmière, enseignante ou secrétaire. La physiologie du corps humain m’intéressait, alors j’avais un penchant pour une carrière en santé. Mes grands-parents vivaient avec nous et ils m’ont beaucoup influencée, et par conséquent, pendant ma formation, je préférais les soins en gériatrie. Ma motivation était probablement la sincère reconnaissance que les personnes âgées ont envers les professionnels de santé.
Où avez-vous fait vos études et comment cela a influencé votre carrière?
Pendant les années 60, la formation des infirmières se faisait dans les hôpitaux. C’était un cours de 3 ans. Je suis diplômée de l’Hôpital Ste. Rita de Sydney et de là, j’ai poursuivi mes études à l’Université St. Francis Xavier, à Antigonish, en vue d’obtenir un baccalauréat en sciences infirmières, ce qui me préparait pour un rôle en administration ou dans l’enseignement des sciences infirmières. J’ai choisi le premier, parce que je voulais travailler dans des établissements de soins.
Où avez-vous travaillé avant votre poste actuel?
Je voulais retourner dans mon village natal, et étant donné que les infirmières francophones étaient peu nombreuses, les Filles de Jésus, qui géraient l’hôpital à l’époque, m’ont reçu à bras ouverts. Lorsqu’on travaillait dans un petit hôpital, il fallait être capable de desservir une variété de clients. Sur un étage, on travaillait en urgence et avec des patients qui avaient subi une intervention chirurgicale, et sur l’autre, on s’occupait des patients au service médical, de la pédiatrie et de la maternité. Le taux de naissances était beaucoup plus élevé que de nos jours! Après un long congé, durant lequel j’ai décidé de rester à la maison lorsque mes enfants étaient petits, je suis retournée au travail. Cette fois-ci, j’ai choisi une carrière en gériatrie, auprès des résidents du Foyer Père Fiset. Lorsque le poste de directrice est devenu vacant, j’étais encouragée par mes collègues de présenter ma candidature. J’ai œuvré dans ce poste pendant 29 ans. En 1997, on m’a demandé de jumeler mon poste et de m’occuper de la direction de l’hôpital aussi, ce que j’ai fait pendant 14 ans. Ce fut toujours un travail intéressant et satisfaisant, même si je devais porter deux chapeaux, et souvent j’aurais voulu pouvoir être à deux endroits en même temps!
Quel rôle joue la langue française dans votre vie?
La langue française est ma langue maternelle. Au travail, je parlais le français au moins 80% du temps, parce que les client(e)s et les employé(e)s étaient majoritairement francophones. Toutefois, les communications avec le ministère de la santé ou la régie devaient se faire en anglais. Je parle français avec mes enfants, petits-enfants, amis et voisins. Cependant, à la maison, je dois parler l’anglais avec mon conjoint qui est anglophone et se croit incapable d’apprendre une langue seconde.
Pourquoi, selon vous, est-il important de servir les membres de la communauté acadienne et francophone dans leur langue?
C’est très important de servir les membres de la communauté dans leur langue, parce qu’ils se sentent plus à l’aise et comprennent mieux les directives et les conseils qui leur sont offerts. De plus, ils se sentent plus à l’aise à poser des questions à propos de leur santé, à décrire leurs symptômes ou à discuter de leurs inquiétudes. Je me rappelle d’un incident lorsqu’on avait transporté un résident du Foyer âgé de 97 ans par ambulance à Sydney, qui devait subir une amputation d’une jambe. Le monsieur ne parlait pas l’anglais du tout et les deux ambulanciers étaient uniquement anglophones. Des situations comme celles-ci nous préoccupaient beaucoup et par conséquent, on avait entamé des discussions avec la direction du Collège de l’Acadie afin d’explorer la possibilité d’un cours pour former des ambulanciers francophones de nos régions. Cette initiative fut un grand succès pendant plusieurs années et les diplômé(e)s desservent encore nos communautés, mais malheureusement le programme n’existe plus de nos jours.
Participez-vous à des activités ou loisirs dans votre communauté?
Même si je suis officiellement à la retraite, en réalité, je suis encore très engagée. Mon conjoint et moi nous avons des chambres d’hôtes, ce qui nous tient occupés pour six mois de l’année. Ce genre de travail n’est pas tellement différent de ce que je faisais auparavant – on accueille des gens, on les aide à se sentir à l’aise chez-nous, on leur prépare un bon déjeuner et on leur offre de bons conseils!
Je siège sur le bureau de direction de plusieurs organismes : CARES, une association qui offre des soins résidentiels et éducatifs aux adultes avec des déficiences développementales, le comité touristique de Chéticamp et le comité du Nord-Est du Réseau Santé.
En ce qui concerne les loisirs, j’aime faire du yoga et des randonnées au parc national, jardiner et prendre soin des fleurs.
Avez-vous des suggestions de changements simples que les gens peuvent faire pour améliorer leur état de santé?
Face aux coûts grandissants de soins de santé et la population vieillissante, je me dis souvent : « Si tout le monde adoptait une mode de vie sain, menait une vie active, consommait juste des aliments sains, évitait le tabac et la drogue, n’abuserait pas l’alcool et maintenait un poids santé, quel paquet d’argent qu’on économiserait! Il y aurait véritablement des ressources pour tous ceux qui sont atteints de maladies dont la cause est génétique, inconnue ou due au vieillessement. »